Historique

L’ancienne abbaye de Doue à Saint-Germain-Laprade domine la vallée de la Loire depuis sa fondation au XIIe siècle. En partie détruite, transformée en bâtiments agricoles au XIXe siècle, classée monument historique depuis 1950, elle est en restauration depuis 2012. 

Fondation - XVe siècle

1138
Fondation de l’abbaye dédiée à l’apôtre St Jacques en souvenir du pèlerinage de St Jacques de Compostelle, dont le Puy constituait un des principaux départs de chemins. Un premier chantier est mené avec la construction du clocher carré et du choeur.

1167
L’abbaye est confiée par l’évêque du puy Pierre de Solignac aux Prémontrés. Cet ordre avait été créé par St Norbert en 1120 à Prémontré, dans le diocèse de Laon et bénéficiait d’une grande aura. L’évêque de Laon demanda en 1120 à Norbert de Xanten, devenu St Norbert de créer une abbaye d’un genre nouveau. En effet, il s’agissait de fonder une abbaye de chanoines réguliers qui aurait une double mission :
- l’apostolat en tant que clercs, auprès des fidèles et pour les missions confiées par l’évêque du lieu,
- la prière de l’Office divin, plusieurs fois par pour, comme les moines.

Un siècle après la mort de St Norbert, l’ordre des Prémontrés comptait 600 abbayes en Europe, dont plus de 80 en France. Aujourd’hui, il y a de nombreuses abbayes de prémontrés en Belgique, en Allemagne et en France St Michel de Frigolet, Mondaye et Conques.

L’abbaye de St Jacques de Doue fut fondée et richement dotée pour 12 chanoines par l’évêque du Puy et ses successeurs et par quelques seigneurs locaux et compta 6 prieurés dès de début du XIIIe siècle. L’abbé de Doue avait droit à la première stalle dans le choeur de la cathédrale du Puy (cf.tableau de la procession du voeu de la peste dans la Cathédrale du Puy).

C’est à cette époque, 1167 que de très importants travaux furent entrepris pour prolonger la construction de l’abbaye, avec la construction des deux transepts, de la nef couverte en charpente et d’une partie des bâtiments abbatiaux.

XIIIe siècle
La construction du cloître et des bâtiments abbatiaux pourrait dater de l’abbatiat d’Armand Dussoyre (1215-1233) véritable âge d’or pour l’abbaye, avec notamment le transfert de la dépouille de l’évêque Robert de Mehun assassiné à St Germain-Laprade. Sa dépouille à droite du Maître autel était encore visible au XVIIIe siècle.

La construction de l’abbaye sur un site de moyenne montagne en forte pente Nord/Sud et Est/Ouest a obligé les constructeurs à faire preuve de beaucoup d’ingéniosité et de savoir-faire. Le cloître, notamment par tout un jeu d’escaliers dans les circulations, permettait d’absorber environ un mètre à un mètre cinquante de dénivellé entre le Nord et le Sud d’une part et entre l’Est et l’Ouest d’autre part. Il a fallu construire tout un étage de caves sous le transept Sud et le bâtiment de l’aile Est pour rattraper les niveaux du sol naturel, et enfin construire toute une série de murs dans les jardins qui ont été créés au-delà de l’aile Ouest.

XIVe-XVe siècles
La nef de l’église est voûtée, l’un des enfeus romans du cloître est modifié pour y installer un grand enfeu gothique et une dalle d’enfeu armoriée avec les armes de la famille Chandorat de Mons, datée de la seconde moitié du XIVe siècle. La chapelle Sainte Catherine est construite pour les sépultures de familles seigneuriales locales, les Glavenas et les Lardeyrol.

XVIe - XVIIIe siècles

L’abbaye souffre énormément des guerres de religion. En 1566 elle est pillée par les troupes protestantes « sans y avoir laissé aucune chose pour s’aider en meubles ni autrement ».
En 1589, ce sont les ligueurs du Puy qui y commirent les dégradations les plus importantes. Francisque Mandet nous les décrit avec précision « ils prirent ce qu’ils purent emporter y compris les cloches du monastère brûlent presque tous les édifices, démolirent ce que la flamme ne dévorait pas assez vite et ne respectèrent même pas le monument funéraire de Robert de Mehun ». Les cinq chanoines qui habitaient l’abbaye furent emmenés de force au Puy.
Les trois abbés succédant à Martin Barry relevèrent peu à peu l’abbaye à partir de 1634.

En 1656 un incendie toucha les bâtiments monastiques et l’abbé commendataire Henri de Sénecterre, également abbé du Monastier, en profita pour mettre l’abbaye en coupe réglée. Les grands bois de chêne furent tous coupés et vendus, certaines parties de l’abbaye, dont les absidioles Nord furent démontées pour en vendre les pierres.
Henri de Sénecterre sera arrêté pour ces méfaits en 1666 et condamné en 1668 à « rétablir l’abbaye de Doue dans ces ornements, entretien des religieux, chapelles et lieux réguliers ».
Mais ce n’est qu’en 1708 que l’abbaye obtint 4000 livres de la succession d’Henri de Sénecterre pour réparer l’abbaye.

La restauration de 1715
Les peintures intérieures de l’église semblent dater de cette époque ainsi que le réaménagement de l’aile Est avec au rez de chaussée la salle capitulaire et au-dessus les chambres des moines. Il ne semble pas que la nef ait été reconstruite, ni que les travaux aient été très importants sur les autres bâtiments de l’abbaye.

L’abbaye au XVIIIe siècle
L’abbaye continua à perdre de sa vitalité et à connaitre de graves problèmes financiers. Elle fut supprimée en 1770 par le chapitre général des Prémontrés, mettant ainsi fin à 600 ans de présence monastique à Doue.
Le bâtiments vides continuèrent à se dégrader ; le mobilier fut vendu en 1782 ; un inventaire de 1781 montre qu’il ne restait plus grand chose. Un long rapport d’expertise de 43 pages établi en 1787 par Jean Pierre et Jean Claude Portal, architectes, à la demande l’abbé comandataire, dresse un triste état des bâtiments de l’abbaye. 

Depuis la Révolution

L’abbaye fut confisquée comme bien national et vendue en 1791 à Mathieu Bertrand qui entreprit de la transformer en maison d’habitation. Voilà ce qu’il écrit dans ses cahiers :
« L’église dépourvue de toit de voûtes depuis l’entrée jusqu’à l’extrémité de la nef, n’offrait sur toute sa longueur que des murs prêts à s’écrouler. Dans moins de deux ans, les réparations d’entretien et les toits furent achevés. Les murs de l’église furent abattus jusqu’au point où ils sont aujourd’hui, la clôture de la cour achevée là où est le grand portail, une bergerie fut construite en appui contre le mur extérieur Nord de la nef. Un peu plus à l’Ouest, ce même mur Nord de la nef a été englobé dans la construction d’une maison d’habitation. Un plancher fut enfin jeté dans toute l’étendue de l’abside de la coupole et du transept ; il procure ainsi au fermier une nouvelle grange ».

Cette nouvelle utilisation des bâtiments de l’abbaye a duré près de deux cents ans et a sans doute permis que nous puissions aujourd’hui les retrouver presque intacts et prêts à être restaurés et à nous raconter leur longue histoire. 

Plan du Domaine de Doue de 1797 (vue générale et extrait)

Gravure par Meunier - Fin XVIIIe siècle

Peinture par Pierre Thuillier - XIXe siècle - conservée au Musée Condé de Chantilly

Gravue par de Becdelièvre - Fin XIXe siècle

Photographie par Félix Thiollier - Vers 1900

Montage 3D de l'Abbaye de nos jours - Yves Egels

Montage AVANT / APRÈS (photographies de l'Inventaire de 1989 et photographie août 2022)
Transept nord

Montage AVANT / APRÈS (photographie de l'Inventaire de 1989 et photographies août 2022)
Cloître

Recherches

 La connaissance historique et archéologique de Doue a beaucoup progressé au cours de ces derniers années, en même temps que sa restauration.

En effet depuis 2012, Gilles et Marie Bayon de La Tour dirigent un important programme de restauration de l’ancienne abbaye Saint Jacques de Doue, visant à sauvegarder les bâtiments restants de l’abbaye et mettre en valeur ce patrimoine très authentique.
Ce travail conduit par les architectes du patrimoine lyonnais Archipat et plus particulièrement M. Martin Bacot les a amenés à faire appel à des spécialistes de l’architecture religieuse médiévale, à des archéologues, des géologues, des archivistes, des prémontrés et autres spécialistes.

Ce travail de recherche mené depuis 2013 s’est formalisé sous la forme d’un Groupe de recherche placé sous l’autorité de M. Nicolas Reveyron, professeur d’histoire de l’Art à Lyon 2, et M. Bruno Phalip, Professeur d’histoire à l’Université de Clermont Ferrand, comprend :
- Martin Bacot, Architecte en Chef des Monuments Historiques et architecte de la restauration du projet,
- Martin de Framond, directeur honoraire des Archives départementales de Haute-Loire,
- Emma Bouvard-Mor, Docteure en archéologie médiévale, archéothanatologue, Ministère de la Culture / UMR 5138 CNRS,
- Jean Noel Borget, Docteur en géologie,
- Bernard Galland, Chercheur en archéologie du bâti,
- Bernard Sanial, CERCOR, Président de la Société Académique du Puy-en-Velay et de la Haute-Loire,
- Yves Egels, Ingénieur général géographe,
- Laurence Cabrero-Ravel, Maître de conférences à l'université de Pau et des Pays de l'Adour,
- Christian de Reynier, archéologue, Office du patrimoine et de l'archéologie du canton de Neuchâtel (Suisse).

Le Groupe de recherche s’appuie également sur deux prémontrés historiens, le père Ardura et le père Dauzet. Le Groupe de recherche a commencé à travailler en 2013 et a travaillé sur l’abbaye de Doue et son environnement jusqu’en 2022, date à laquelle un colloque scientifique a été organisé à Doue, colloque quia coïncidé avec l’achèvement des travaux de restauration.

La connaissance de l’abbaye a également été renforcée à partir des travaux de recherche menés par Lise Eneau Brun entre 2013 et 2016, sous la direction du professeur Nicolas Reveyron.

État des recherches

Les recherches transdisciplinaires entreprises dans le cadre du Groupe de recherche sur l’abbaye de Doue permettent aujourd’hui de proposer une première synthèse des données acquises, qu’elles aient trait à l’évolution de l’abbaye, mais aussi aux interactions entre l’abbaye et les territoires qu’elle occupe. La synthèse réalisée dans le cadre du Groupe de recherche a été enrichie d’observations archéologiques menées notamment sur les bâtiments claustraux sud et ouest qui n’ont jamais été intégrés dans les synthèses archéologiques jusqu’alors. 

Nous pouvons aujourd’hui donner une première synthèse, sur la longue durée, concernant les bâtiments et leur succession dans l’espace claustral, en proposant un focus sur des points ayant fait l’objet de renouvellement, comme l’église elle-même dont la complexité chronologique s’est révélée peu à peu dans un bâti apparemment simple à décrypter, ou d’une étude neuve, comme l’aile ouest. 

L’église occupe le côté nord de l’espace claustral. L’aile est, dans le prolongement du transept, est datable du XIIIe siècle et comporte des aménagements plus tardifs (XIVe) et des transformations modernes (XVIIIe-XIXe). L’aile sud reste très difficile à analyser : les enduits extérieurs et intérieurs interdisent la lecture des murs, mais les portes apparaissent comme des aménagements tardifs (XVIIIe-XIXe) qui ne permettent pas toutefois de dater tout le bâti. L’aile ouest semblait un ensemble rajouté très tardivement, mais une étude réalisée en 2016, grâce à une analyse poussée des maçonneries et à la découverte d’éléments archéologiques remarquables ont permis de mettre en évidence son caractère médiéval. 

État chronologiques

• État 1 : la construction de l’église (deuxième tiers du XIIe siècle) : il s’agit de la première construction connue entre la fondation de l’abbaye (1138) et son rattachement à l’ordre de Prémontré Abbaye de Doue – Aile ouest : derniers résultats des observations archéologiques 

• État 2 : l’agrandissement de l’église : l’installation du transept (dernier tiers du XIIe siècle) : avec le rattachement à l’ordre de Prémontré, l’église s’agrandit entre 1167 et la fin du XIIe siècle. 

• État 3 : la construction du cloître (XIIIe siècle) 

• État 4 : la construction de la chapelle Sainte-Catherine (XIIIe-XIVe siècles) 

• État 5 : les modifications au XVe siècle 

• État 6 : Destructions et reconstructions de l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècles) 

• État 7 : transformation en exploitation agricole (1791-XIXe siècle) 

• État 8 : le temps de la restauration (XXe-XXIe siècles) 

Focus sur l'église

Les grandes phases de la construction de l’église et de ses aménagements n’ont pas évolué (états 1 et 2, principalement). En revanche, certains points de détail ont été examinés en équipe et les débats contradictoires ont permis de préciser des faits archéologiques, notamment les articulations des maçonneries de différents moments.

À la croisée du transept, côté sud, les contreforts qui renforcent les piles et amorcent le bras sud du transept accusent de légers décalages d’assisage qui font penser que leur construction intervient dans un second temps, mais dans le chantier de cette partie de l’édifice. La jonction de la nef et de la croisée fait apparaître aussi un léger hiatus.

Par ailleurs, dans la nef, la position (en hauteur) et la modénature de la base côté nord laissent penser que la pile appartient à la première phase romane de la construction, c’est-à-dire qu’elle serait contemporaine du sanctuaire. 

Les deux derniers indices (jonction de la nef et de la croisée ; position en hauteur et modénature de la base côté nord de la nef) permettent d’esquisser le scénario suivant : après l’achèvement des élévations du sanctuaire (et de son voûtement ?), on aurait commencé de construire la dernière travée de la nef (travée orientale, prévue couverte d’une coupole), puis on aurait commencé la nef sur une partie de sa longueur ou toute sa longueur ; cela signifie que le chantier du transept et de la nef aurait suivi la formule courante de l’étagement des différentes parties, montées par paliers depuis l’est, le point le plus haut, jusqu’à l’ouest, le point le plus bas. 

Étude des pierres sur la façade du cloître avant travaux (Archipat)

Évocation de l'état XVIIe siècle (Archipat)

Évocation de l'état XIXe-XXe siècles (Archipat)

Évocation de l'état médiéval - coupe longitudinale et élévation nord de l'abbatiale (Archipat)

Évocation de l'état médiéval - coupe transversale sur l'abbatiale et le cloître (Archipat)

État avant restauration - 2012 - coupe transversale sur l'abbatiale et le cloître (Archipat)

État après restauration - 2022 - coupe transversale sur l'abbatiale et le cloître (Archipat)

Plan de datation - plan au sol (Archipat)

État avant restauration - 2012 - plan au sol (Archipat)

État après restauration - 2022 - plan au sol (Archipat)

Travaux

Depuis 2012, l’abbaye fait l’objet d’une campagne de restauration par tranches.

Les tranches

2013
Les maçonneries des vestiges de la nef et du clocher ont été restaurés, y compris la restauration des baies du clocher. De nombreuses pierres de brèches volcaniques ont dû être changées, des gouttières pour protéger de l’eau ont été installées.

2014
La restauration extérieure de l’abbatiale s’est poursuivie avec le chevet et le bras Nord du transept. Les baies du choeur et les absidioles Nord ont été réouvertes.

2015
La restauration extérieure s’est poursuivie avec la chapelle Sainte-Catherine très dégradées également. Les toitures de l’aile Est des bâtiments abbatiaux ont été entièrement restaurées.

2016
Les toitures de l’aile Sud des bâtiments abbatiaux ont été restaurées.

2017
La restauration intérieures de l’abbatiale a démarré avec notamment l’enlèvement des planchers installés début XIXe siècle pour a transformation en grange à foin, et la recréation d’un escalier entre le transept Sud et les chambres des moines. 

2019
Restauration des toitures de l’aile Ouest des bâtiments abbatiaux

2020
La restauration intérieure de l’abbatiale a été menée avec notamment la réinstallation de vitraux, la reconstruction de l’absidiole de l’aile Sud partiellement démolie et la stabilisation des peintures intérieures du XVIIe siècle. 

2021
La restauration s'est poursuivie avec la façade Ouest de l’aile Est, de l’ancien cloître et de l’ancienne nef de l’abbatiale, de façon à redonner à ces espaces une cohérence avec leurs fonctions initiales.

2022
Création de planchers dans l’ancienne église et réaménagement de trois chambres des prémontrés dans leur état fin XVIIIe siècle. 

Un savoir-faire d'exception

Des entreprises du Velay ont mis un savoir-faire exceptionnel au service du patrimoine. Les ouvrages ont été restaurés ou rétablis avec les techniques traditionnelles de taille de pierre (effectuée sur place), menuiseries bois et ferronneries d’art. 

LOT 01 - MAÇONNERIE - TAILLE DE PIERRE - VRD - TERRASSEMENT - SOLS 
Les Ateliers de Chanteloube, Cussac-sur-Loire 

LOT 02 - MENUISERIE 
Pascal Chaize, Saint-Germain-Laprade 

LOT 03 - FERRONNERIE 
Les forges d’Elementa, Polignac 

LOT 04 - ELECTRICITE-ECLAIRAGE DE MISE EN VALEUR 
Watt Else, Brives-Charensac 

MAITRE D’OUVRAGE Gilles et Marie BAYON de LA TOUR 
MAÎTRISE D’OEUVRE Archipat architectes du patrimoine 


>>> Pour consulter l'article de l'Éveil du 12 avril 2021 : cliquer ICI

Les visites

Visites toute l'année pour les groupes.

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vue de la base de la coupole de l'église
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